Par un arrêt du 18 mars 2020 ( n°18-10.919, PBRI), la chambre sociale a précisé par un nouvel attendu de principe, le régime probatoire des heures supplémentaires mis en place par l’article L.3171-4 du code du travail.

Visant tout d’abord les articles L.3171-2 et L.3171-3 du code du travail, elle rappelle que selon le premier de ces textes :

lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés». Selon le second, «l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire

Elle reprend ensuite l’énoncé de l’article L. 3171-4 du code du travail, rappelant ainsi le système probatoire mis en place par le législateur :

en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié». La Cour rappelle en outre que le législateur enjoint à l’employeur une obligation de sérieux dans le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié : si celui-ci « est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ».

Et par une incidente, elle souligne que ce dernier «assure le contrôle des heures de travail effectuées».

Elle rappelle également le rôle du juge du fond, tel que défini par le texte. Celui-ci doit tenir compte de l’ensemble des éléments produits par les deux parties pour former sa conviction, et si ces éléments sont insuffisants, il lui appartient de procéder à des mesures d’instruction: « Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».

La Cour tire les conséquences de ces dispositions en reprenant presque à la lettre l’article L. 3171-4, elle dit qu’ :

« il appartient au salarié de présenter à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies ».

Cette formulation n’est pas neutre. Si la nouvelle jurisprudence abandonne la notion d’«étaiement» de la demande par le salarié, elle continue néanmoins à exiger que ce dernier apporte des «éléments suffisamment précis afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments».

Au terme de ce raisonnement, elle précise le rôle du juge à la fois dans la détermination de l’existence d’heures supplémentaires, et dans l’évaluation de leur montant.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées». « Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant ».

La chambre juge en outre que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.


Par Adrien RENAUD, avocat associé au sein du Pôle Social

Soc., 14 novembre 2018, n 17-16.959 et no 17-20.659, P+B

Soc., 18 juin 2015, no 13-27.288

Soc., 12 décembre 2013, no 12-14.029